La persistance de l'influence nazie sur l'attitude des Arabes

Manfred Gerstenfeld interviewe Matthias Kuentzel

Matthias Küntzel

JForum.Fr, 25/11/2013

“Des éléments de doctrine significatifs, émanant de l’influence de l’Allemagne nazie au Moyen-Orient, restent marquants jusqu’à aujourd’hui. On en sent encore l’empreinte en plein coeur des conflits actuels, dans la région.

“En 1937, la Grande-Bretagne a proposé de diviser la Palestine en 2, entre un Etat arabo-musulman de taille considérable et un état Juif bien plus petit, d’après le Plan Peel. Ce projet a alarmé les cercles dirigeants nazis à Berlin. Dès lors, ils ont commencé à investir des financements substantiels, en vue d’inciter les Arabes à la haine contre les Juifs. En Egypte, par exemple, l’Allemagne nazie a investi plus d’argent au profit des Frères Musulmans qu’en n’importe quelle autre organisation anti-britannique. En même temps, ils livraient de l’argent et des armes au Grand Mufti de Jérusalem, Hajj Amin El Husseini, en Palestine ».

Le Dr Matthias Kuentzel est un politologue allemand et l’auteur de nombreux livres. L’un d’entre eux traite des liens étroits entre le Jihad et l’antisémitisme. Il vit à Hambourg.

“Au milieu des années 1930, les forces modérées arabes palestiniennes, qui recherchaient la coexistence avec les Sionistes, n’étaient pas encore marginalisés. Cela a changé, à cause du vaste soutien nazi aux Islamistes. Le Mufti a brisé et expulsé les Palestiniens modérés, lors du soulèvement arabe de 1936 à 1939. Les Frères Musulmans d’Egypte se sont servis des émeutes en Palestine comme tremplin, qui leur ont permis de devenir une énorme organisation. Leurs adhérents sont, alors, passés, de 800 membres, en 1936 à plus de 200.000 en 1938.

“En avril 1939, l’Allemagne a commencé à diffuser des émissions de propagande antisémite en arabe, en farsi (perse), en turc et en hindi. Sa station de radio à ondes courtes, Radio Zeesen, était mieux captée et plus écoutée dans le monde arabe que n’importe quelle autre. De 1939 à 1945, elle a, quotidiennement, relayé des programmes d’émission antisémites très professionnelles. Ils étaient agrémentés de citations du Coran et de musique arabe. Les Alliés étaient représentés comme étant dépendants des Juifs, décrits comme le plus grand ennemi de l’Islam. L’émission annonçait : « Le Juif est notre ennemi et le tuer apporte du plaisir à Allah ». De cette façon la propagande allemande a radicalisé la haine des Juifs déjà existante, parmi les Musulmans ».

“Divers témoignages, portant sur cette période, indiquent que ces émissions bénéficiaient d’une très large audience. Un informateur arabe de l’Agence Juive a relaté qu’il passait près d’un café à Jaffa, le 7 octobre 1939. Beaucoup d’Arabes s’étaient rassemblés tout autour, pour écouter Radio Zeesen. Et les gens des balcons alentours en faisaient tout autant.

“L’auteur iranien Amir Cheheltan a écrit qu’il était habituel que les passants s’arrêtent sur les trottoirs à l’entrée des salons de thé de Téhéran pour écouter les programmes de Radio Zeesen, parlant des progrès de l’armée allemande. Il écrit : « Ces programmes stimulaient l’imagination des masses dans les rues. Chaque victoire allemande représentait une défaite des puissances coloniales, de l’Union Soviétique et de la Grande Bretagne, déclenchant leurs applaudissements enthousiastes ».

“Radio Zeesen a contribué à conduire des franges croissants du monde arabe à décrypter le conflit du Moyen-Orient à travers le prisme de l’antisémitisme des Allemands. Lorsque l’Allemagne nazie a été défaite, en 1945, ses principaux agents moyen-orientaux étaient à l’apogée de leur puissance. Les Frères Musulmans d’Egypte comptaient quelques 500.000 membres. En 1946, ils clamaient les louanges d’Al-Husseini, qui avait activement soutenu la Shoah. Ils l’appelaient « un Héros qui, avec l’aide d’Hitler, combattait contre les Sionistes ». Ils déclaraient : « l’Allemagne et Hitler ne sont plus là, mais Amin al-Husseini continuera le combat ».

“Les inclinations des Frères Musulmans égyptiens et du Mufti de Jérusalem ont eu une influence majeure sur le rejet arabe du plan de partition de l’ONU pour la Palestine. La même chose est vraie, concernant le déclenchement de la guerre de 1948, qui avait la destruction d’Israël pour principal objectif. On peut trouver son origine dans l’antisémitisme dont l’Allemagne a fait la promotion entre 1938 et 1945, et qui a été poussé plus loin par le Mufti et les Frères Musulmans, entre 1946 et 1948.

“Il existe de nombreux indicateurs qui prouvent la poursuite de l’influence de la mentalité nazie au sein du monde arabe jusqu’à ce même jour. Beaucoup de caricatures antisémites sont identiques à celles des Nazis. Il y a de nombreuses rééditions de Mein Kampf d’Hitler, avec toute la vénération du personnage d’Hitler qui les accompagnent. On retrouve fréquemment la négation de la Shoah ou la promotion d’une nouvelle [Shoah], ici.

“L’influence nazie au Moyen-Orient est, quoi qu’il en soit, presque systématiquement négligée par les universitaires traitant du Moyen-Orient et de l’Islam, y compris par les Allemands. Le cas de Radio Zeesen, par exemple, est un sujet que des instituts allemands financés par le gouvernement, tels que le Zentrum für Antisemitismusforschung (le Centre pour la recherche sur l’Antisémitisme) ou le Zentrum Moderner Orient (Centre pour l’Orient Moderne) ignorent.

Kuentzel conclut : “L’hypothèse fondamentale est, apparemment, que seule la politique israélienne doit avoir provoqué l’antisémitisme dans la région. Tout ce qui contredit cet axiome « politiquement correct » soit qu’Israël est coupable n’est pas pris en considération. Cela ne résulte pas simplement d’n manque d’information. C’est une expression d’ignorance ciblée, active et consciente : le résultat de la corruption des intellectuels et du refus de la vérité ».

Le Dr. Manfred Gerstenfeld est membre du Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem, qu’il a présidé pendant 12 ans. Il a publié 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation: Marc Brzustowski.

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